Stérilité et Modernité
La stérilité est caractéristique de notre époque. C'est notre mal générationnel.
Mort et Stérilité
La mort n'est pas la stérilité. La mort est en réalité féconde. A ma mort, mon corps se décomposera, insectes, moisissures, charognards, se repaitront de ma chair. Cette mort est une fin pour ma subjectivité, mais elle est un début, ou plutôt un renouveau ou une continuité pour le reste. D'une autre façon, ma mort pourrait être héroïque, mort au combat pour protéger les miens, sacrificielle, ou encore expiatoire, par la forme d'une peine de mort que l'on suppose ici méritée. Toutes trois sont fécondes à leur manière. Je peux même laisser un héritage derrière-moi, monétaire ou spirituel. Tout cela, la stérilité ne le fait pas. La stérilité est pure disparition, pure destruction, absence de vie, rupture, non-continuité.
Le modèle du bloc opératoire
Le modèle de stérilité est le bloc opératoire. Un bloc opératoire est absolument stérile, c'est une nécessité pour réaliser des opérations sans danger. Le patient est anesthésié, le chirurgien est masqué, ganté, dans une combinaison stérile, les scalpels sont stérilisés, les lumières et les murs sont blancs. Blancs, non de mort, mais de stérilité. Le bloc opératoire, malgré sa nécessité, possède une atmosphère malsaine, dérangeante, c'est un lieu anormal, virtuel. On préfère en sortir au plus vite (et vivant). Le bloc opératoire et sa stérilité ont débordé sur nous-même, sur notre époque.
Recherche de stérilité
Pasteurisation, désinfection, nettoyage, castration, contraception, masturbation, informatisation, mécanisation, normalisation, constipation, immortalité, pesticides, anesthésie... Tout cela est, plus ou moins, à sa manière, stérilité.
La vie, la fertilité, c'est la crasse, c'est souffrir et crever, c'est la frustration, c'est baiser et accoucher, boire et vomir. Partager, non des tweets et des posts, mais des rires et des fluides. Cette stérilisation est liée à un refus de la mort et de la douleur, et donc mécaniquement, ironiquement mais réellement, à un refus de la vie.
Modernité castratrice
Nous ne faisons pas de gosses. Nous prenons des contraceptions, enchainons éventuellement les coups d'un soir, ou les nuits devant des films pornos. Masturbation, seul ou à deux, plus parfois. La Modernité nous bombarde de pornographie et nous prive de l'autre, elle nous enferme dans le virtuel. Le phénomène le plus emblématiques de la stérilité moderne, très fortement lié d'ailleurs à la contraception, est le féminisme : éloge du clitoris, des règles, des travailleuses du sexe. De la stérilité donc.
A l'inverse, le désir masculin est présenté comme vile, pas le droit de regarder, il ne faut pas "objectifier" (le terme réifier existait mais bon), la moindre approche déplacée est une prédation, il faut signer des contrats de consentement, summum du non-naturel et de l'anti-spontanée. Le désir masculin, naturellement tourné vers les femmes d'environ 20 ans, le pic de fertilité, est régulièrement comparé à la pédophilie, comparaison absurde, un enfant étant d'ailleurs stérile... Aujourd'hui l'homme est castré, la femme empoisonnée aux hormones, stérilisée volontairement. Et c'est sans mentionner l'explosion des lgbts, dont certains se castrent littéralement pour transitionner. Ces comportements stériles, qu'il faut normaliser, non pas les tolérer mais en faire la norme ?
La Modernité compte, calcule : les enfants, ça coûte cher, et leur prix ne fait que croître. Bien plus cher qu'un abonnement OnlyFans ou PornHub-premium, ou un stérilet, ou des chiens ou chats. Pourtant notre civilisation et notre économie crèvent du trop peu de gosses et du trop plein de vieux. A trop compter, nous n'avons pas assez compté, ironique...
Modernité pasteurisée
La modernité ne produit pas un champ de mort, féconde. Non, elle produit un champ désertifié, asséché, pasteurisé, sans vie. Un champ, normalement, ça grouille, insectes, mulots, lombrics, micro-organismes, ça vit. Nos champs sont usés, nécessitent des engrais, tout y crève à coups de pesticides et de surutilisation. Pesticides que nous mangeons, à la fin. Nos déchets ne se décomposent pas, ils seront là pour 1000 ans, excusez-les, et se désagrègent en micro-plastiques qui nous empoisonnent, et même, nous stérilisent... La bouffe, est vide de substance mais pleine de sucre, elle ne nourrit pas, elle nous empoisonne et nous engraisse : obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires... L'hygiène à outrance produit les maladies auto-immunes et les bactéries résistantes, les variants éternels. Les vacances amènent même la déprime de rentrée.
La déprime, parlons-en.
Notre civilisation se meurt, nous dit-on. Réjouissons-nous, car la mort est féconde. J'ai bien peur que ce ne soit pas la mort qui nous attende, mais la stérilité. Nous ne laissons pas d'héritage, les uns scotchés au cours du bitcoin, les autres plongé.e.s dans leur carrière, rien à laisser, rien à transmettre, rien à construire, on fait des défilés masturbatoire pour le climat entre deux vacances en avion, les crèches sont vides (en réalité, elles sont pleines, faute d'investissement, investissement dans les gosses, la fertilité, le futur, dans la maternité) mais les croisières sont pleines. Si je devais fournir un conseil, une solution, il serait très simple : salissez-vous. Le modèle du futur ne doit pas être le bloc opératoire mais la forêt, la forêt qui fourmille, qui grouille, la forêt féconde, crade mais vivante.