Je suis écolo. Je suis écolo, car je suis individualiste : mes ordures sont miennes, vos ordures sont vôtres. Je suis contre la mutualisation des ordures. Je ne veux pas vivre dans votre fange, ni d’ailleurs dans votre clinique. Je suis européen, je suis individualiste : il existe un chez-moi, idéalement mien et absolu. Il existe un chez-moi, il existe un chez-vous. Et un espace commun, partagé, la rue, le square, le parc… Cet espace est régi par des règles qui garantissent une cohabitation harmonieuse et civile, des règles formelles (le code de la route) et des règles tacites (la politesse, les bonnes manières).
Je suis écolo. Je suis écolo donc je suis contre la pollution. Et il en est une souvent oubliée, peut-être celle qui m’insupporte le plus. Je veux bien sûr parler du bruit. Pollution oubliée, jumelle de la pollution lumineuse. Et pourtant notre bruit pollue, dérange les animaux, notamment les oiseaux (typiquement les feux d’artifices tuent de peur de nombreux oiseaux). Le bruit des motos en forêt me dérange et je ne fais qu’y marcher, je n’ose imaginer la gène pour les animaux qui y vivent, s’y reproduisent…
Mais il dérange aussi l’humain. L’humain moderne a la plus grande facilité à en émettre, et la plus grande difficulté à le fuir. Les machines à bruit sont partout : automobiles, avions, enceintes, trains, scooters, ballons, klaxons… Nulle part l’homme ne trouve silence.
Le silence est d’or
Le silence est l’un des fondements de notre civilisation. Savoir profiter du calme, du silence, de l’isolation, est un plaisir des esprits supérieurs. Le silence est une page blanche nécessaire au compositeur, le point de départ des grandes symphonies et des albums légendaires.
Le silence est l’allié de l’intellectuel : aucune réflexion profonde et poussée, aucune découverte ou philosophie ne se fait dans le bruit, le vacarme, le tumulte. Peut-être le silence est-il le carburant civilisationnel : il est nécessaire à l’écoute, laquelle est nécessaire à la coopération. Sans oublier, pour nous, son importance sacramentelle, transcendante. Le silence est probablement un remède efficace à toutes sortes de maux modernes, mais l’industrie pharmaceutique ne veut pas que vous le sachiez, cela m’a été révélé dans un rêve.
Barbares bruyants
Mais il existe des groupes de population pour qui le silence n’est pas une denrée appréciable. Bien au contraire, le bruit leur semble être une vertu. La discrétion leur est inconnue : ils téléphonent en hurlant à leur fenêtre, regardent des absurdités sur le téléphone en haut-parleur dans le train. Dans votre wagon. Ils marchent dans la rue avec une enceinte qui dégueule leurs terribles borborygmes. Ils ne cessent de passer en scooter ou motocross sous votre fenêtre.
Ils ne connaissent en fait pas le concept de propriété privative, du chez-soi, excluant. Car ils viennent de territoires où la tribu, la famille élargie se mêle de toutes leurs affaires, où les logements n’ont pas de porte, ou toujours ouverte. Ou chacun s’observe, se surveille. “Ma sœur, tu ne dois pas boire d’eau pendant le ramadan”. Et ensuite, ces gens sont partis, et ont bien souvent violé notre frontière, de notre territoire. Pourquoi s’arrêteraient-ils ici ? Pourquoi ne violeraient-ils pas non plus votre espace privatif, le calme de votre logement, avec leur bruit ? Vous devez savoir qu’ils sont là. Et après tout, pourquoi s’arrêteraient-ils ici ?
La classe laborieuse et populaire est condamnée à subir le bruit des allochtones, à subir le bruit des motocross toute la journée dans le quartier, à subir le bruit et l’odeur. Pour la classe moyenne, un choix existe : subir, elle aussi, ou payer cher, très cher pour avoir accès à un peu de calme, de silence, de sécurité, le tout n’étant jamais garanti. Oh, vous habitez depuis 5 ans dans un petit village français tout calme et isolé, grâce à un crédit sur 40 ans ? La municipalité a décidé d’installer une famille de Maliens plus bas, la première d’une longue série, le 93 déborde. Si les gauchistes se demandent pourquoi les classes moyennes et laborieuses blanches préfèrent voter Marine que Méluche, peut-être est-ce parce qu’elles préfèrent la pauvreté dans le silence que le RSA avec eux. Quant aux classes aisées, elles payent ce prix et ont même le luxe de pouvoir faire semblant d’apprécier le bruit allochtone, de s’extasier de la diversité (mais pas chez elle, seulement en concert).
Aucune cohabitation n’est possible entre la civilisation du calme et la tribu du bruit. “Ils n’ont pas les codes”, explique la Gauche, qui rêve depuis 200 ans de transmuter chaque personne par l’éducation, outil impuissant. Laissons ce rêve mort-né de l’éducation aux gauchistes, ce rêve qui n’a rien achevé. Laissons-les essayer en vain de changer les ânes en chevaux de course, comme jadis les alchimistes tentaient de transmuter le plomb en or.
Nous n’avons pas à prétendre que nous sommes de meilleurs alchimistes qu’eux. Peut-être ferions-nous mieux de recréer le calme, de gré ou de force. De vivre entre gens silencieux.