Cornucopia's end
Le deficitisme Français, et sa fin
A moins de vivre dans une grotte, vous devriez avoir entendu parler de la foire d’empoigne qui sert de débat budgétaire dans notre magnifique pays. Parlons-en un peu.
Deficit : an overview
Les députés et sénateurs votent chaque année pour le budget de l’Ignoble Etat Français. Dans les grandes lignes, ils votent pour choisir quels seront les impôts que vous paierez, leur répartition et leur montant, et leur affectation, c’est-à-dire les dépenses de l’Etat, qui les perçoit et dans quels montants. Les impôts et cotisations peuvent être comparés aux revenus d’un ménage, les dépenses aux dépenses. Par définition (j’expliquerai plus loin pourquoi, pour le moment vous devrez me faire confiance), l’Etat n’a pas vocation à recevoir plus qu’il ne dépense, mais plutôt à être à l’équilibre.
Cependant, un Etat a la possibilité de faire du déficit : dépenser plus qu’il ne perçoit. Pour ce faire, il fait appel aux marchés financiers : grosso modo, l’excédent d’épargne d’autres pays est placé dans des obligations, des morceaux de dette, contre lesquelles ces épargnants exigent un rendement. Ce rendement est parfaitement normal et est important, car ces épargnants n’ont aucune autre raison de prêter leur argent. Le taux auquel emprunte un état dépend donc de l’offre et de la demande. S’il emprunte peu alors que beaucoup d’épargnants veulent placer leur argent, il empruntera à des taux faibles, pas cher. Inversement, plus l’Etat veut emprunter contre une minorité d’épargnants qui ne lui font pas confiance, plus il doit proposer un taux élevé pour les attirer. Globalement, le prix d’emprunt des Etats tend à refléter la confiance des investisseurs dans la capacité à rembourser des états. Un Etat trop dispendieux et indigne de confiance pourrait même ne plus pouvoir se financer sur les marchés, ce qui est très douloureux en général.
La France est en déficit environ chaque année depuis les années 70, atteignant presque 6% du PIB ces dernières années (c’est beaucoup, surtout hors crise). La dette n’est que l’accumulation des déficits au fil des ans.
Durant les années 2010, les taux d’emprunt étaient très bas et les Etats se finançaient pas cher. Mais il semble que cette période soit terminée, et donc le déficit du budget devra se tarir, plus ou moins rapidement.
C’est pour cette raison que nos chers élus s’écharpent sur les économies à réaliser ces jours-ci. En effet, les épargnants continuent de nous prêter, mais leur scepticisme augmente, et ils exigent une trajectoire crédible sur environ une décennie de réduction des déficits. Et c’est Normal. C’est OK. Nos partenaires européens exigent également cette trajectoire, et ça aussi c’est Normal. Car nous partageons la même monnaie, monnaie que nous mettons en danger avec nos déficits (déficits qui ne respectent pas les règles de la zone euro que nous avons volontairement acceptées pour entrer dans l’euro, pour rappel).
La corne d’abondance
Est-ce que c’est forcément mal d’être en déficit ? Non, pendant une période de crise ou ralentissement économique, l’économie peut avoir besoin d’être stimulée ainsi. Cela dure un an, deux ans, et après le moteur est relancé, et donc on augmente les impôts ou coupe des dépenses pour résorber le déficit. C’est le fonctionnement normal. C’est l’orthodoxie. Idéalement, on finance des investissements avec du déficit, car si le rendement des investissements est supérieur au taux d’emprunt, ça vaut le coût.
Qu’a fait la France ? A-t-elle financé des investissements ? Sort-on de 50 ans de crise économique ?
Non. La France, elle a financé des fonctionnaires, de l’inactivité, des retraités… Elle a pris le fric des boches, et elle a cramé la caisse. Et maintenant, y en a plus.
Pour citer Statista sur le sujet :
Le déficit public est composé de plusieurs volets :
Le déficit budgétaire de l’État : il constitue la part la plus importante, avec plus de 100 milliards d’euros enregistrés dès le premier semestre 2025.
La sécurité sociale : elle représente une part significative du déficit global, en raison notamment de la progression des dépenses de santé et de retraites. Le financement de l’Assurance maladie demeure particulièrement tendu, et la dynamique démographique accentue le déséquilibre.
Les collectivités locales : leur contribution au déficit est plus limitée. Certaines collectivités dégagent même des excédents, mais l’hétérogénéité entre communes et régions reste forte.
Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) : ils regroupent différents établissements publics et contribuent marginalement au déficit global.
On sait cependant grâce aux travaux de Jean-Pascal Beaufret que le déficit des régimes de retraite est en partie masqué dans les dépenses de l’Etat, il n’est donc pas aberrant de penser que la majorité du déficit est social. Le déficit Français, c’est du cofidis pour acheter des télés, en quelque sorte. Ou plutôt, des croisières…
Globalement, il fait consensus chez les économistes que les problèmes budgétaires Français disparaitraient si nous avions le même taux d’emploi que les Allemands, en sachant que la principale faiblesse d’emploi est due à un départ trop précoce en retraite de ce côté-ci du Rhin.
Autant dire que la Pampa et la Java à 60 ans, c’est finito-pipo, au boulot les vieux !
Le déficitisme
“Les Français sont attachés au modèle social Français”, entend-on partout. Mais est-ce vrai ? Pour répondre, il faut d’abord se demander, quel est ce modèle social ? Vous me direz, c’est facile, c’est la sécu ! Mais la sécu, c’est quoi ?
A sa naissance en 45, la sécu est un système bismarckien : la sécu est une assurance vieillesse et une assurance maladie financée entièrement par les cotisations des travailleurs, qui leurs ouvrent des droits. La sécu est gérée paritairement par les syndicats salariés et patronaux. Rapidement, le système devient universel, avec l’ajout de prestations non contributives dans les années 70, mais la forte croissance des 30 Glorieuses permet au système de tenir. Le système s’enraille à partir de 1975 avec les premiers déficits.
A partir de là, l’Etat prend en charge une part de la Sécu, et affecte des impôts à son financement. La CSG en particulier, est crée pour financer la sécu et désensalariser ce système.
La vérité est qu’aujourd’hui la Sécu est en déficit, qu’elle doit représenter une part non négligeable du déficit budgétaire de l’Etat. Je pose donc candidement la question : à quoi les Français sont-ils attachés ? Au système bismarckien de 1945 ? Au monstre de Frankenstein actuel qui ne correspond à rien et pisse du fric par tous les trous ?
Mon avis personnel est qu’ils sont attachés au déficit. Ils sont attachés au fait que les marchés internationaux nous filent du bifton pour payer les soins et la retraite à 55 ans. Et qui n’apprécierait pas cela ? De l’argent gratuit ?
Voilà la vérité, les Français sont déficitistes. Ils sont attachés à un cadavre.
Bismarck rit avec Laffer
Et je ne suis pas sûr qu’ils soient vraiment attachés au système de 1945. Mon intuition me dit qu’en réalité, si les Français aiment qu’on leur paye des services, aiment la gratuité, ils ont horreur de casquer, ils détestent payer pour cela. Difficile de le prouver cependant. Quoique. Regardons le débat budgétaire actuel.
Les Français souhaitent-ils une augmentation des impôts pour “sauver le modèle social” ?
“Constat peu surprenant“, le niveau des impôts en général est jugé trop élevé par 75% des enquêtés, un résultat comparable à celui du premier baromètre, en 2021.
Mais, lorsque les Français sont interrogés sur leur situation personnelle, ils sont 63% à juger qu’ils payent trop d’impôts. Cette différence tient à la redistributivité du système socio-fiscal : six Français sur dix reçoivent davantage en transferts monétaires et prestations en nature qu’ils ne versent.
Une majorité de Français seraient opposés à une baisse de la dépense publique en échange d’une baisse d’impôts. Ainsi, seuls 29% l’accepteraient pour les dépenses publiques de retraites, 30% pour la santé, 32% pour la justice et la sécurité, 35% pour l’éducation...
Plutôt qu’une baisse des dépenses publiques en valeur absolue, ce sont de “fortes attentes” qualitatives qui s’expriment.
41% des sondés jugent possible d’améliorer le niveau des services publics en baissant le niveau des impôts ou des cotisations sociales ; 46% l’estiment faisable à niveau de prélèvement inchangé.
Une forte majorité (83%) souhaite que l’État dépense plus pour certaines missions et moins pour d’autres.https://www.vie-publique.fr/en-bref/292865-fiscalite-des-impots-juges-trop-eleves-pour-75-des-francais
Les Français ne veulent pas payer plus. Et ils ne veulent pas que l’Etat dépense moins. Donc, les Français veulent plus de déficit ! S’il est vrai qu’il est possible de délivrer des services comme l’éducation en améliorant la qualité de service tout en diminuant le coût, j’aimerai qu’on m’explique comment les prestations de retraite peuvent s’améliorer en diminuant les cotisations… L’Allemagne paiera ?
Dans tous les cas, le gros des efforts d’économie seront sur les dépenses sociales, puisque c’est le plus gros gisement existant aujourd’hui.
Pour rappeler quelques chiffrages, il est attendu de faire un ajustement budgétaire de l’ordre de 150 Milliards d’euros par an d’ici quelques années.
Le reste des dépenses comprend les dépenses de fonctionnement, les prestations sociales, et les subventions. Les dépenses de fonctionnement ne représentent que 500 milliards sur les 1600 de dépenses totales, dont 350 milliards de rémunérations de fonctionnaires. Faire porter l’ajustement sur les seules dépenses de fonctionnement implique une réduction de 25%, et si l’ajustement se fait seulement sur le nombre ou les salaires des fonctionnaires, une réduction de 35%. Il est clair qu’on ne peut pas résoudre le problème par la seule diminution des dépenses de fonctionnement, et que l’effort doit également porter sur les transferts.
Si on fait l’hypothèse que les dépenses de fonctionnement peuvent être diminuées à terme de 5% (25 milliards), ce qui est déjà très ambitieux, et que les subventions, aux entreprises et ménages, peuvent être réduites de 10% (20 milliards), ce qui l’est aussi, cela laisse un trou de 75 milliards, qu’il faut donc combler par une diminution des prestations sociales. Ces dernières, retraites, sante, allocations familiales… se montent ensemble à 700 milliards, ce qui implique donc une réduction de plus de 10%.
https://fipeco.fr/commentaire/Arithm%C3%A9tique%20et%20ajustements%20budg%C3%A9taires
Les impôts et prélèvements ne peuvent pas être beaucoup augmenter, car la France prélève déjà énormément et que les Français ne le souhaitent pas. Les dépenses de fonctionnement ne sont pas un réservoir suffisant d’économie surtout si l’on conserve un modèle de gratuité de certains services publiques. L’effort budgétaire reposera en grande partie sur le modèle social, il n’y a pas vraiment d’autre alternative.
Le plus efficace budgétairement est de… Augmenter l’âge effectif de départ à la retraite. L’inverse de ce que font les députés. Ils vénèrent encore le cadavre fumant du déficit.
La taxe zucman
Vous en avez entendu parler, il est sur tous les plateaux tv, Zucman a une baguette magique. Dormez braves gens, les riches paieront !
Ca aussi, c’est du déficitisme. En effet la taxe Zucman, qui rapporterait 20 milliards selon son créateur, moins de 5 selon d’autres économistes (plus) crédibles, est très loin d’être à la hauteur des enjeux, pour ne pas dire contreproductive. Mais elle a un mérite politique : la taxe Zucman, c’est celle que les autres paieront. Car les Français sont attachés aux impôts payés par les autres. Et faire casquer une minorité de riches, c’est faisable dans un pays en déficit perpétuel où l’enjeu n’est donc pas le rendement de l’impôt. Dans notre situation, il faut des impôts à assiette large et taux bas, avec un rendement élevé, comme la TVA ou la CSG. “Faire payer les riches” n’est que le cache-sexe de “faire payer les pays frugaux”, c’est un avatar du déficitisme.
L’Etat n’existe pas
L’autre baguette magique, mais cette fois plutôt celle des libéraux pas sérieux ou des droitards, c’est celle du “train de vie de l’Etat”. Comme on l’a vu avec le chiffrage de François Ecalle plus haut, comptablement c’est une impasse. Mais ce qui est exaspérant avec cette chimère, c’est que ceux qui se revendiquent de Bastiat ne devraient pas se faire berner ainsi. On rappelle que Frédéric Bastiat a notamment dit que “L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.” Ce qui signifie que l’Etat, ça n’existe pas. Lorsque l’Etat dépense, l’argent va dans la poche de quelqu’un. Ce quelqu’un peut être une personne au RSA, un fonctionnaire ou un retraité. Souvent, c’est ce dernier qui est implicitement ou explicitement protégé par cette baguette magique. “Ne touchez pas aux retraités bande de communistes, réduisons plutôt le train de vie de l’Etat” mais oublions bien sûr que les retraités sont les principaux bénéficiaires. Une impasse du même genre est celle du salaire des élus, qui représente une somme ridiculement faible dans le budget.
Et c’est parce que l’Etat n’existe pas que les excédents budgétaires n’ont pas vraiment de sens. Un excédent budgétaire devrait mécaniquement être redistribué immédiatement, être affecté au remboursement de la dette (c’est le principe d’un excédent budgétaire primaire, situation que connait l’Italie mais pas la France) ou investi. Les prélèvements obligatoires trop élevés ne sont pas bons pour l’économie, en pratique un excédent budgétaire est généralement temporaire, et suivi d’une baisse des prélèvements ou d’une hausse des dépenses.
Lean Manufacturing France
En école d’ingénieur, j’ai pu suivre quelques cours sur les principes de gestion des stocks et de la production. Un concept particulier est celui des Mudas. Pour faire simple, les mudas, ce sont les péchés en production, cela se traduit par gâchis. L’un des mudas les plus graves est le muda de stockage. En effet, trop de stock tend à masquer les autres mudas, les autres sources de gâchis, le stock de production jouant le tampon pour éponger les autres pertes. Une méthode pour améliorer les processus est donc de diminuer au maximum ces stocks tampons, afin de révéler les inefficiences.
Je pense que le déficit est notre muda de stockage. Le déficit masque les inefficiences, les conneries du système socio-économique Français. En éliminant ce déficit, le coût écrasant du système social deviendra apparent, évident. Et je pense qu’une révolution socio-fiscale apparaitra. Ce n’est pas juste que les marchés nous tordront les bras. C’est que l’individualisme naturel des français sera enfin légitimement libéré. Face au prix du “système social”, les Français montreront qu’ils n’y sont pas si attachés.
En avant, glorieuse nation, peuple industrieux, l’avenir vous attend. Libérez cette formidable énergie.






"La taxe Zucman, c’est celle que les autres paieront. Car les Français sont attachés aux impôts payés par les autres. Et faire casquer une minorité de riches, c’est faisable dans un pays en déficit perpétuel où l’enjeu n’est donc pas le rendement de l’impôt."
Basé.
Justement. Cela va renchérir le coût de financement français. Mais la bce oui ça peut freiner, mais le risque est alors l'éclatement de la zone euro. C'est terrible.